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CCC 2018

Publié le par Laulau

CCC 2018

102km et 6200D+

31/08/2018

L’émotion comme juste le sport peut en donner !

 

 

Coucou à tous…

Pour être tout à fait franc, je ne savais pas si j’allais écrire ou pas ce résumé… je sais que beaucoup d’entres vous l’attendent et aiment ça, et, au suivi de ma course et des commentaires que j’ai eu et vu, je me suis rappelé que ça a toujours été ma marque de fabrique de partager mes ptites aventures avec vous de cette manière, donc… je pose mes doigts sur ce clavier et me laisse guider au gré de mes souvenirs de mon parcours.

J’ai reçu aussi un ‘’résumé’’ de ma tante, Minet, qui a écrit ‘’ma course’’ comme elle l’a ressenti et ça m’a donné envie de l’écrire ! C’est vraiment génial de sentir après coup à quel point mes ptites aventures peuvent intéresser du monde.

 

Tout d’abord, la CCC !

Je l’ai déjà fait en 2013, certains connaissent et d’autres pas... pour ceux-ci, la CCC, C’est une course au départ de Courmayeur (en Italie) qui passe par Champex-Lac (Suisse) et qui fini à Chamonix (j’adore cette ville), parcours de 101km et 6100 D+ normalement, mais qui faisait cette année 1km et 100+ de plus suite à une modification de parcours, suite à un tragique accident il y a une semaine sur ce qui aurait du être la dernière montée du parcours.

Comment ??? Qu’est ce que j’entends ?? Ah, on me demande du fond de la salle pourquoi refaire cette course que j’avais tant aimée alors que je l’ai déjà faite et surtout déjà terminée ??

Ben… tout simplement parce que, justement, je l’avais adorée !

Mais il y a un revers, me direz-vous, car si je l’ai tant aimée, ne risquerais-je pas d’être déçu ? C’est un risque que je vais prendre.

Et aussi, ça fait des années que je lorgne sur l’UTMB, et suite à mon report médical de 2016, j’ai toujours pour idée d’aller faire le tour complet du Mt Blanc (168km et 10000+) un jour et que pour avoir le droit de participer à ce monument, il faut avoir des points !

15 pour être précis, acquit en 3 courses.

Depuis 10 mois, je suis à la quête de ces fameux points, j’en ai actuellement 10, et si je boucle ma CCC, j’aurais donc ces fameux 15 points si vous voyez ou je veux en venir.

Je dis 10 mois, car cet ultra est mon 3ème en 10 mois, après Boulieu (105 et 4800) en Octobre 2017,  et les Coursières (103 et 4200) en Mai 2018.

Grosse question… Grosse interrogation… Comment va réagir mon corps ?

 

On me traite souvent de barjo, brelo, taré, dingue, de faire des trucs comme ça… mais non, y a rien de dingue… simplement une envie et une passion à explorer.

J’avais déjà écrit ça, il y a 5 ans, lors de ma 1ère CCC

Pourquoi faire ça ? Qu’est-ce que je cherche, qu’est-ce que je recherche ?

Pourquoi pousser son corps dans ses retranchements, pourquoi essayer de chercher ses limites, les tutoyer ?

Pourquoi aller au bout de soi, de la fatigue, du sommeil, de la douleur ?

Et bien, j’aurais les mêmes réponses … je n’ai rien à prouver, si ce n’est à moi-même.

Simplement sortir un peu de l’ordinaire… profiter des choses (et des personnes) quand elles sont là, profiter de la vie et faire les choses tant qu’on en a la capacité physique et psychologique. Je sais pas si ces conneries vont durer encore longtemps… mais tant que je peux, je fais !

 

Me voici donc à Chamonix pour le retrait de mon dossard, vérification de mon identité,  du matos obligatoire… Eva est assez impressionnée par l’organisation et par le gigantisme du truc ! On me remet enfin mon précieux sésame, là, maintenant, je suis dans la course.  

CCC 2018

On va ensuite faire un ptit tour sur le salon du trail, puis manger. Au passage, on tombe sur Anton ! Anton Krupicka. C’est un coureur pro américain qui a couru son 1er marathon à 12 ans !                    Anton… l’idole absolue comme Stéph l’appelle !

CCC 2018

Je me retrouve donc dans ce sas de départ à Courmayeur vendredi 31/08, et plein de choses se bousculent dans ma tête, je pense à plein de mondes. Eva est là, juste à côté de moi, de l’autre côté de la barrière, mais elle est là.

Elle m’avait déjà suivi sur les Coursières à St Martin en Haut dans le Rhône en mai. D’ailleurs… Je vous en ai pas parlé de celui-là !

L’ultra Trail des Coursières… je vais faire cours. J’y étais aussi allé pour chercher 5 points et surtout pour faire un gros entrainement en vue de la CCC. Je savais que cette course allait être dure, car il n’y a pas de grosses butes, c’est une succession de petites montées et de petites descentes, avec un D+ de 4200 quand même. Un parcours casse-patte comme on dit. Et ben c’est ça ! Ca m’a bien cassé les pattes !

Je connaissais un peu le coin pour y avoir roulé en vélo, et c’est pas plat du tout cette histoire ! J’en ai bien bavé, mais j’ai terminé en 16h10. Et j’avais donc eu mon assistance (et assistante) perso, et ben c’est top ça ! Limite je me suis pris pour une star du run J

Gros souvenir de cette course où, au 93, je retrouve Eva qui m’attend au bord du lac d’Yzeron, je suis cuit ! Cuit patate ! J’ai plus de jambes et je me dis que la fin va être loooooooooooooongue ! Il en reste 22 et j’avance plus ! Ca m’a donné un bon coup de boost de la retrouver là, et, dans une descente, mes cuisses meurtries ne voulaient plus avancées, les quadris étaient tétanisés, Eva sort une crème décontractante de son sac, un ptit massage des cuissots, et voilà que je repars comme un lapin, en doublant ceux qui venaient de me doubler en me demandant si tout allait bien !

Donc… pfffff j’en étais où moi !!!!!!!!!! Je me disperse dans mes explications et je perds le fil J

Donc j’étais dans ce sas de départ, et je pense un peu à ma saison et j’ai peur de pas être prêt ! J’ai pas énormément couru cette année… j’ai juste fait une course de prépa, mais par contre, j’ai fait pas mal de vélo !

On s’est fait un bon délire d’ailleurs avec mes 3 zozos ! Par 3 zozos,  j’entends Steph, David et Polo, 3 des dingues du Srt ! On s’est fait une semaine de VTT sur le chemin de  St Jacques de Compostelle fin mars, entre le Puy en Velay et Auch !

474km et 8000+ en 5 jours ! On a vu de très beaux paysages, de beaux villages, traversé de belles régions… et j’ai adoré faire ça ! On remet ça quand vous voulez !

 

On entend un hélico… Là, je sais que j’y suis, je sais où je suis (je sais pas c’quejfouslà par contre) c’est pas courant un hélico qui survole un sas de départ pour filmer ! La tension est palpable, on a tous le regard hagard. Les hymnes retentissent, Suisse, Italien, et Français… et là, ben j’ai un peu les yeux qui piquent ! J’imagine les joueurs du XV de France avant un match contre les Blacks … J’ai l’impression de jouer avec eux et de représenter la France ! J’étais déjà full en émotion, car comme je le disais un peu plus haut, je pense à plein de monde dans un sas de départ… notamment à mon père … je sais pas pourquoi mais je pense toujours à lui dans ces moments-là, et je me dis que d’où il est, lui qui aimait le sport, il est peut-être fier de ce que je fais !

Je pense aussi à mes enfants, à mes potes du Srt, à beaucoup d’autres aussi !

L’émotion comme juste le sport peut en donner !

 

Il y a 3 sas de départ, et je suis dans le 3ème L ce qui implique un départ à 9h30 au lieu de 9h pour les 1ers, Ca ne change pas grand-chose, si ce n’est attendre plus longtemps. Les places dans les sas sont déterminées en fonction de nos résultats sur les autres courses, et, ben comme j’vais pas très vite en course, on me met derrière !

Le départ est donné ! Enfin ! J’avais vraiment envie que ça démarre, envie de me retrouver là-haut !

CCC 2018

On attaque fort par la Tête de la Tronche, 1400m de D+ à prendre sur la 1ère butte !

Je me sens super bien dans cette montée, je gère pour en garder sous les Salomon, mais j’avance bien, je double pas mal de monde, 1er pointage au sommet et descente vers le refuge Bertone au km15. J’y suis en 3h24 et je pointe 1343 sur 2141 partants ! Pas mal pour un départ en queue de peloton J

CCC 2018
CCC 2018

La suite, c’est un sentier que j’aime beaucoup ! Ce sentier mène de Bertone à Arnouvaz, c’est assez roulant. Imaginez vous au pied du Mt Blanc, versant Italien, sur la montagne juste en face, avec une vue imprenable sur les glaciers, les torrents… Ce chemin est simplement magnifique !

CCC 2018
CCC 2018

J’ai des jambes qui vont bien, je trotte plus que je cours, car je sais qu’il faut gérer, et je double environ 150 personnes sur cette portion.

Connaissant bien le parcours, mon regard se porte fréquemment sur la suite des évènements, j’ai juste à lever les yeux pour voir Grand Col Ferret. Et ben on le voit pas le Gr Col Ferret ! Il est dans les nuages et là, j’me dis que ça doit pas être trop accueillant là-haut ! Le sommet est à 2537m, et déjà que dans la vallée, il fait pas méga chaud, là-haut, ça va pincer je me dis !

Un photographe à la sortie du ravito d’Arnouvaz me le confirme en nous lançant ‘’et ben il parait qu’il fait pas chaud là-haut’’.

Je commence cette grimpette en T-shirt, je veux pas mettre mon coupe-vent de suite, je sais qu’il me faudra le mettre, mais je préfère attendre tant que j’ai pas froid. Je monte bien, je gère, et je double.

Sachant en gros où je me trouve, je sais que par la suite je vais me retrouver un peu plus exposé au vent, donc je me couvre, et j’ai bien raison car quelques minutes plus tard, je rentre dans le brouillard, le vent et le froid.

Et là, ça commence à cailler grave ! Ca va que je suis pas frileux et que je crains pas trop, car il y en a qui sont pas top ! La pluie nous rejoint dans la montée, il ne manquait plus qu’elle !

J’arrive au sommet en 1h24 de montée, ptit rythme, mais mon rythme pour presque 800+ sur 4.5km. J’ai encore grignoté 75 places dans la montée.

Certains, dont je comprends pas la logique, s’arrêtent au sommet pour se couvrir un peu plus ou pour prendre une photo… Perso, vu la caillante, je salue les bénévoles et je m’attarde pas, je me dis que je vais descendre un peu et que je m’arrêterais quand il fera moins froid, et c’est ce que je fais quelques centaines de mètres après. Comme j’ai froid aux mains,  je mets mes gants (c’est même limite trop tard car mes doigts sont engourdis et je peine à ouvrir mon sac à dos), et mon bonnet et je repars. Je me rends compte quelques longueurs plus tard que j’ai fait une connerie : les gants, c’était nécessaire, le bonnet non, et j’ai trop chaud au crane. Je m’arrête donc à nouveau et remet la casquette pour être plus tranquille. Ces 2 arrêts dans la descente m’auront couté 13 places dans la 1ère partie de la descente, mais j’en ai repris 24 dans la seconde partie !!! Ca va toujours bien et je me sens en pleine bourre, pas de douleur, rien, que dalle, que nenni, je me sens vraiment bien !

Je suis maintenant en Suisse, j’approche de La Fouly, et je sais que je vais retrouver Eva ici. Je l’aperçois avant qu’elle ne me voit, juste avant la route qui mène au ravito. Elle m’annonce mon classement, et me fait part des messages et soutiens qui lui arrivent. Steph, entre autres, mon binôme habituel, se renseigne du Canada pour savoir où j’en suis.

Comme elle ne peut pas rentrer à l’intérieur du ravitaillement, je m’attarde pas, je remplis mes bidons, je mange 2-3 trucs, je bois, je re-mange et je ressors. Je préfère me poser 5 mn dans un arrêt de bus à l’extérieur avec elle. Je repars ensuite direction Champex-Lac, et ensuite ce sera la nuit.

Je cours toujours, je me sens bien, j’avance à mon ptit rythme, mais j’avance.

Je traverse un village Suisse qui s’appelle Praz De Fort, superbe petit village avec de jolis chalets, dans lequel je me verrais bien prendre 2-3 jours de reposJ.

Il y a ensuite la montée pour aller à Champex…  le sentier des champignons qu’elle s’appelle cette montée ! Superbe ! Il y a plein de champignons sculptés dans des troncs d’arbres, de panneaux explicatifs, c’est super mignon !

Et c’est dans ce moment si bucolique, dans cet endroit si champêtre que ça a déconné !

Je prends mal au ventre, envie de vomir ! Des coups de mou et de moins bien, dans ce genre d’épreuve, je sais qu’on en a, que ça passe et que la forme va revenir. Je continue donc ma grimpette en attendant que ça passe. Malgré mes douleurs, je gratte encore 136 places en arrivant à Champex !

Ce ravito, je l’attendais depuis le début. Pour moi, c’est ici que commence la course ! On est au 57, donc la moitié est faite, et je vais rentrer dans la nuit. Et ici, il y a du chaud au ravito, des pates et c’est important de manger chaud car ça facilite la digestion… mais voilà, rien que de penser aux pates, j’ai envie de vomir ! Eva est avec moi dans le ravito, ici, elle peut rentrer et me ramène de la soupe. J’en avale 2 bols, il y a que ça qui me fait du bien. Je grignote 3 grammes de tartes à la myrtille, rien de plus, et je m’équipe pour la nuit. Je quitte mon T-shirt ultra trempé, je mets mon sweat technique, le Gore-Tex, les gants étanches (pour info, les gants étanches, c’est des gants pour faire la vaisselle ! Dans le matos obligatoire, il y a des gants étanches, et ça coute un œil si c’est des gants de run, donc je prends des gants en plastique que je place par-dessus mes autres gants, et voilà ! C’est efficace et surtout très mignonJ). Et bien sur la frontale !

Mon ventre va un peu mieux, je repars.

Je suis assez satisfait car j’arrive bien encore à courir. Après Champex, on monte à Bovine, une belle grimpette de 700+. Comme il fait nuit maintenant, en levant la tête, je me rends compte d’où je vais en voyant les lumières des frontales devant moi.

Mon mal de ventre revient, sur le plat, ça va, en descente ça va aussi, mais dès que je force en montée, j’ai mal ! Et forcément, les 2 bols de soupes ne m’auront pas fait grand chose caloriquement parlant ! J’ai faim ! Je refuse de prendre un gel, je me demande si mes nausées ne viennent pas de là, alors je laisse tomber. Côté boisson, y a que l’eau qui passe, l’Isostar m’écœure et me fout la gerbe ! J’essaie de manger une barre énergétique, je la fractionne en micro morceaux car y a que comme ça que ca rentre.

Je continue à grimper comme ça, même si je vais pas bien, je ne me fais pas doubler et j’avance en tête d’un groupe d’une trentaine de personnes.

Je vois vraiment la différence de niveau entre cette année et 2013, la 1ère année où je l’ai faite : Il fallait 4 points qualificatifs… et cette année, il en fallait 8 ! Ce qui veut dire que ceux qui ont été sélectionnés sont plus aguerris, plus ‘’forts’’. Et c’est là que je vois la différence de niveau, car il y a 5 ans, on était assez souvent seuls avec Stéphane, et cette année, je me suis rarement retrouvé seul… très rarement même.

Donc je grimpe à mon rythme, tranquillou, mais j’avance !

Au sommet, descente sur Trient, toujours en Suisse. Je cours encore en descente, les cuisses vont bien, le ventre va mieux. Je double énormément en descente, il y en a beaucoup qui ne peuvent plus courir. J’arrive à Trient en ayant encore gratté plus de 100 places… Je suis 870ème ! 72ème kilomètres.

Je vais pas faire mon guide touristique, mais Trient a une particularité… ce village a une église rose !

Et il y a aussi un ravitaillement. C’est le second où Eva peut m’assister. Et re-belotte, 2 bols de soupe à nouveau, il y a que ça que je veux et qui me fait du bien. Je mange 1/8 d’une tranche de pain, un bout de fromage, remplissage d’eau dans les bidons (plus d’Isostar, ça passe toujours pas).

Le problème, au bout d’un moment, dans une course d’une telle exigence, c’est que mon corps va réclamer des calories et du sucre, ou sinon, c’est l’hypo assurée ! Et ben que ça, je peux pas lui en donner !

Je repars quand même, et je vous avoue que l’idée de l’abandon m’a bien effleuré l’esprit tout du long de la montée. Et c’est dans ces moments-là où je pense à beaucoup de monde… Karl, Steph, Xavier, Polo, David, Mika, Marine, Robin, ma maman… et plein d’autres. Je pourrais pas tous vous citer, il y en a beaucoup, mais c’est vous… oui oui, c’est dans ces moments durs que je pense à vous et que ça m’aide à tenir.  Pendant cette montée, j’ai eu une grosse pensée pour un copain du rugby, Pierre, qui est décédé il y a environ 25 ans d’un accident de moto dans la Drôme… Je sais pas pourquoi j’ai pensé à lui à ce moment-là.

Eva m’accompagne un peu à la sortie de ce ravito. L’accompagnement est interdit sur le parcours, toléré sur une centaine de mètres avant et après les ravitos.

Je lui dis de lever les yeux, car on voit là-aussi dans la montagne les frontales qui dessinent le chemin que je vais emprunter. C’est magnifique et flippant à la fois.

Je le connais bien ce chemin, on est venu ici il y a 1 mois pour faire cette portion. Il me reste 29km, je sais ce qu’il m’attend…11 bornes jusqu'à Vallorcine en France, mais avec 750+ sur 5km !

Je sais que mon ventre va à nouveau me faire des misères, mais je sais aussi que quand j’aurais passé la bute, on sera plus très loin du but. Je commence la montée, encore une fois, à mon rythme, j’essaie de gérer et d’en garder encore un peu.

Comme je m’y attendais, mon ventre me fait mal… et il réclame ! Je me pose sur une souche d’arbre à la moitié de la montée, je sais que je vais perdre un peu au classement, mais l’important n’est pas là. Je mange un bout de barre, morceau après morceau, petit peu par petit peu… et je repars. Ca m’a fait du bien d’ailleurs, car je me sens un peu mieux par la suite. Je passe le pointage des Tseppes en aillant perdu 15 places. Il y a un micro ravito dans une ferme juste avant la descente, je m’arrête pas, et j’attaque la descente en courant, je sais qu’en bas, c’est la France et une fois à Vallorcine, ce sera quasi fait !

J’en ai vu qui étaient mal dans ce ravito, enroulés dans les couvertures de survie, frigorifiés, fatigués. Je redouble dans cette descente technique tous ceux qui m’ont doublé quand je me suis arrêté dans la montée.

Vallorcine… enfin de retour en France. Je retrouve à nouveau Eva dans le 3ème et dernier ravito où elle peut m’accompagner. Pour info, il est 3h du mat, je suis en course depuis 17h50. Je décide de faire rapide dans celui-là, car j’ai pas envie d’avoir trop froid en sortant. Je remplis les bidons, un bout de pain et je repars… de toute façon, je peux pas manger, mon ventre me fait toujours des misères, donc autant repartir !

C’est dans la partie qui est devant moi qu’il y a eu la modification de parcours dont je parlais au début du CR. Plutôt qu’une grosse montée, il y a en 2, plus petites, mais je les connais pas.

La 1ère monte bien raide, dès le début, et tout de suite, je paye le fait de pas pouvoir m’alimenter. Là, j’ai pas de jambes. Et je me dis que ça va être dur et long cette fin.

Je m’arrête, je repars, je m’arrête à nouveau, je re repars… plusieurs fois. C’est dur. Je me fais doubler. Je grimpe doucement… très doucement et j’arrive en haut de cette avant-dernière butte, elle faisait 400+. Maintenant, il y a une descente, pas trop longue si j’ai bien compris. Je commence donc à courir un peu, car étrangement, j’arrive encore à trotter dans les descentes. Mais là, je me calme vite ! Je crains pas des descentes techniques, j’aime ça même, mais là… pfffff ! Des racines de partout, des pierres, des rochers, la rosée, c’est glissant, et le brouillard est là en plus… on voit rien ! Un concurrent chinois me dit en Anglais qu’il y a beaucoup de brouillard et me fait signe de passer devant lui car il voit rien.

Ah oui… j’ai oublié de vous parler de ça ! Il y a 87 nationalités sur la course cette année ! Des chinois donc, Roumains, Américains, Argentins, Coréens, Anglais, Brésiliens, Colombiens… la palme de la distance est certainement pour cet Australien que j’ai vu sur le parcours.

J’arrête donc de courir dans cette descente que je trouve dangereuse, même limite trop dangereuse pour une course où on est à 90km. Je suis obligé de m’aider de mes mains pour pouvoir descendre certaines portions, et c’est pas évident avec les bâtons.

Au passage, oui, je fais la course avec des bâtons, ça aide vraiment beaucoup, on gagne environ 20% de puissance en s’aidant des bras. Il y a quelques mois, je me demandais si j’allais les prendre ou pas. Puis, j’ai fais les Coursières sans bâtons, et j’ai eu du mal sur la fin… Et là, d’un coup, je me suis dit que pour la CCC, je les prendrais !  C’est vraiment un gain énorme.

Et finalement, cette descente est pas si courte que ça, j’avais rien compris ! Ou alors je suis plus très lucide.

J’arrive en bas un peu démoralisé !

Il me reste une butte… Je crois qu’elle fait 400+. Mais j’ai pas le profil, j’ai pas la trace, donc je sais pas vraiment.

Pour info, je m’imprime toujours le profil de la course, je le colle sur un de mes bidons, et comme ça, j’ai la trace toujours avec moi. J’ai dessus plusieurs indications comme les points de ravitos, l’altitude des sommets à passer, les distances d’un point à un autre, le D+ sur les buttes, et les barrières horaires. Les barrières horaires, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est tout simple : par exemple, la barrière horaire pour passer à Arnouvaz était à 16h30, si tu arrives à 16h31, tu es éliminé de la course ! C’est aussi simple que ça. Il y a 6 barrières sur la totalité du parcours. Pour Vallorcine, si vous avez bien suivi, je vous avais dit que j’étais passé à environ 3h du mat, la barrière est à 7h.

CCC 2018

Donc pour cette dernière butte, je regarde sur mon bidon, et je vois l’altitude où l’on doit aller, la Flégère. C’est à 1863m. Je fais un bref calcul et j’ai environ 400 à monter… le problème, c’est que pour l’instant, ça monte pas trop… un faux plat ! Donc, je sais qu’à un moment, ça va se redresser, mais quand ? Où ? De plus, je connais la Flégère, c’est une gare d’arrivée de télésièges, en plein milieu de la montagne, sans rien autour, et que là, je suis dans une forêt, loin des pistes de ski et je vois vraiment pas comment je vais y arriver !

Je continue doucement, j’ai vraiment du mal à avancer, je m’arrête régulièrement, j’ai plus de force et j’ai mal au ventre. J’essaie de manger un micro bout de barre énergétique, mais ça veut pas faire. De plus, je ressens maintenant la fatigue. J’ai les yeux qui se ferment et une grosse envie de dormir. Mes paupières sont lourdes et tombent toutes seules, je me prends les pieds dans les racines et trébuche à plusieurs reprises.

Le moral est en train de tomber bien bas. Je me dis et je me répète que cet ultra sera mon dernier.

Oui, je sais, Karl, déjà en 2013, je l’avais dit celle-là. D’ailleurs, je l’ai toujours dit après une grosse courseJ. Même quand je faisais des marathons, je disais toujours à la fin que c’était mon dernier.

Mais là, c’est vraiment dur !

Je m’arrête fréquemment, je bois beaucoup d’eau pour essayer de combler le manque d’alimentation, mais forcément, ça marche pas !

Je sors de la forêt, enfin. Je vois pas le sommet à cause du brouillard mais je suis sur un semblant de piste de ski. C’est pas chouette cette portion. Quel dommage que la montée de la Tête Aux Vents ai été annulée, car celle-ci, elle est vraiment belle… dure, mais belle.

J’envoie un message à Eva pour lui faire part de mon état, elle me rappelle immédiatement et ça me fait beaucoup de bien. Je monte pas plus vite mais ça m’a regonflé un peu le moral. Le brouillard se dissipe un peu, je coupe ma frontale car le jour se lève. Je vois la Flégère… ENFIN !

Cette ultime montée à été interminable… et j’ai perdu 70 places dans cette montée.

Là, maintenant, je sais qu’il y a plus qu’à descendre et ce sera bouclé !

Je passe au check-point, je bois juste un thé, et je repars immédiatement. La descente, je la connais.

Et, étrangement, j’arrive à courir ! Je cours toute la descente, pas très vite, mais je cours. Et je trouve qu’elle passe assez vite d’ailleurs ! Et je double quelques concurrents dans la descente…une trentaine.

Je vois Chamonix juste en dessous ! C’est fini … enfin presque ! Faut pas faire de conneries maintenant, pas se blesser !

Je rentre dans la ville… là, maintenant, je sais que c’est vraiment fini.

Je rentre dans la rue piétonne, il est 8h du mat, il y a pas grand monde, mais le peu de gens qui sont là applaudissent et me félicitent. J’en ai la chair de poule. Je vois Eva au loin, proche de la ligne. Je passe cette ligne tant désirée après 22h47 de course… à la 868ème place sur 2141 partants, avec un 1er pointage 1343… J’ai gratté 475 places depuis le 1er pointage ! Pas vilain, hein ??

Il y aura 1622 finishers et 525 abandons.

Eva est là, elle immortalise ce moment…

CCC 2018

Je vais chercher mon graal… ma veste Finisher CCC 2018.

Je l’ai bien mérité celle-là… j’ai même cru à plusieurs reprises que je l’aurais pas.

Je vais même pas au ravito, car mon mal de ventre est encore un peu présent. Mon envie de vomir aussi.

Un écran géant est là, il diffuse la tête de course de l’UTMB… et c’est Xavier Thévenard qui est en tête, comme en 2013 !!!! Il arrive vers Champex.

Je vais prendre une douche chaude, car je commence à grelotter.

Je vais ensuite dormir un peu dans notre van, c’est bien mieux que dans un lit de camp au milieu du gymnase comme je l’avais fait la fois précédente.

Je dors 3h. Je voulais faire voir à Eva ce qu’était l’arrivée du 1er de l’UTMB. On retourne donc dans le centre et Xavier est toujours 1er, largement même. La foule commence à s’agglutiner dans les rues, la rue qui mène à l’arche d’arrivée est inaccessible. On ira donc le voir passer dans la rue juste avant… mais c’est, là-aussi, blindé de monde ! On se trouve une tite place et on l’attend. Il devrait pas tarder !

Et le voilà, se frayant un chemin au milieu de la foule, grand sourire, il passe devant nous sous les acclamations de la foule, et quelques secondes après, on entend le speaker et la foule qui exultent quand il approche de la ligne.

C’est vraiment fort en émotion… je me répète, mais des émotions comme ça, juste le sport peut en donner ! J’en ai encore la chair de poule et les yeux embrumés !

 

Cet ultra était ma 29ème course de plus de 42km… et mon 6ème de plus de 100 !

 

Pour conclure, j’étais venu ici pour chercher les 5 points manquants pour faire l’UTMB l’an prochain (je n’ai pas besoin du tirage au sort car j’ai une place prioritaire suite à mon report médicale de 2016), très franchement, pendant la course, je me suis dit à maintes reprises que cet ultra serait mon dernier. Là, maintenant, avec du recul, je sais plus ! C’est tellement fort de terminer un tel truc, alors l’UTMB, ça doit être gigantesque ! Alors qui sait ! Y a que les imbéciles qui changent pas d’avis comme me l’avait gentiment dit mon capitaine quand j’étais à l’armée.

 

Voilà… je voulais tous vous remercier du soutien, du suivi, les messages, les appels, les mails, ça m’a beaucoup aidé à aller au bout de ce défi. Et surtout, je tiens vraiment à remercier Eva de son suivi sur place, car ça aussi, c’est un ultra. Se déplacer autour du Mt Blanc avec les bus, ne pas rater les horaires, ni des bus ni de moi, et ben c’est une grosse gestion … donc MERCI.

CCC 2018
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